les 5, 6 et 7 mars 2012
Langue vernaculaire : langue parlée seulement à l'intérieur d'une communauté (par opposition à langue véhiculaire).
Chaque discipline possède son jargon, souvent incompréhensible pour les non avertis. L'Atelier de Poésie Vernaculaire a créé des textes à partir de ces vocabulaires particuliers. Entendre les termes particuliers, les comprendre, mais surtout les détourner, les faire sonner, créer du jeu.
A5 plié et cellé offert "sous le manteau" lors de la cérémonie.
La bosco java de l’acheiropoïète (identité rhizomatique de l’apprenant)
Tremblement
Les vieilles races protéoniques
Frappées d’incapacité
Déboutées de leurs vérités
Téléologiques
Perdent leur entendement
Déchirure des relations prédicatives
Mise à mort des souverainetés hâtives
Le cabotage d’une rive à l’autre
Incorpore par le travers de la porte
L’Être là
Des ancêtres
Hale bas
Les stériles griefs
L’Apprenant écoute la langue
File, tisse
Mélange les angles
De l’antique sémantique
Correspondance
Dissidence
Apprentissage rituel
D’une algèbre éternelle
L’image de soi courbée
Sous l’hyperallage de toute une humanité
Ecrasée par les béni oui-oui
De l’économie
L’Apprenant cherche une autre donne
Pour bouter hors
Le vieil or
Et ce monde cacophone.
Acheiropoïète
L’Apprenant
Doucement
Secrète
Une chirale d’ambre
Fragrance
En mouvance
D’une créolité
Partagée.
Les mots
Captifs de lalangue
Trace visible de l’étrange
Val perché au bord du silence
Signifiés de l’insignifiance
Les mots ruissèlent, s’archivent
Se collectent, se bulletinent.
Le temps les lutinent,
Les désherbent, les peaufinent.
Mais dites-nous
D’où venez-vous ?
Knock-in, knock-out
Clopin, clopine, vous rendez fous
Démentes mandibules qui notez tout !
Et vous, où êtes-vous allés, légères sonorités
Vous qui, au temps passé, d’une plume me faisiez chanter,
Libellules aujourd’hui cachées sous la nuée
Des mots inversés, sigles cachetés, corsetés ?
Clic, une souris didactique
Clac infecte la bibliothèque.
Elle allitère les assonances
Flagelle les réminiscences.
Silence
Page blanche
Il nous viendra des mots oiseaux
Frêles et tendres roseaux
Pour donner des ailes à nos pieds,
De la douceur à partager
Et le monde de chanter
Onoma, onoma, onomatopée.
Cosmologie chaosphonique
Au début n'était rien. Nul zeugopode n'agitait alors le chaos primitif, et nul anthropoïde ne se perdait dans cet univers apatride.
Au début n'était rien, mais du vide surgit très vite le premier acte illocutionnaire – nouveau dichroïsme circulaire, genèse de notre terre : enfin pouvait être la perfection, enfin était la palatisation.
Reine suffocante des carburations abusives,
Unique marâtre aux accents cliquetants,
Elle attirait à elle sans aucun soucis protocolaire tout passant micro-nucléaire.
Mère nourricière, nul ne semblait pouvoir fendre l'aorte de cette chirographaire apothicaire.
Et nul ne croyait possible que de cette hystérique immunohistochimie jaillisse le flots des stichomythies fondatrices.
Et pourtant, un simple atome y parvint.
Il cueillit pour sa belle un bouquet irisé, où anacoluthes et streptococcus côtoyaient de frêles coccolithophoridés, et la suzeraine, émue par cette touchante hétéroscédasticité, céda à l'atome et accoucha du monde.
Au début n'était rien, mais dans le chosmos monochromatique bercé de lumière zénithale, la vie apparut enfin et se posa, point sublime, en suspension sur l'arrête d'une virgule flottante :
la règle de la cacophonie était née.
Cours d'économie
D'un souffle je frôle ta courbe d'indifférence.
Soudain réveillée, elle s'anime et se met à onduler au cœur du triangle à l'échange. La frontière des possibilités de production est abolie, et nous pouvons dès lors jouir l'un de l'autre sans plus soucier du cout marginal ou du ratio v de Kaldor. Une main invisible nous guide, si maladroits, et nous apprend muettement à gravir la droite des prix relatifs. Partage sans fonction de profit, l'inflation rampante devient galopante, et notre indice de confiance explose littéralement : c'est le principe d'accélération. En passagers clandestins, nous jouons des multiplicateurs keynésiens et nous nous fondons en un marché unique. La bulle spéculative nous suspend un instant en dehors du temps, puis elle éclate poétiquement, nous abandonnant à l'optimum parétien.
C'est fait, l'équilibre est atteint.
Naissance d'un prophète
Les cosmogonies des temps anciens s'arrachent à l'oubli et façonnent une curieuse archeiropoiete /
comme un battement assymptotique, presque sarcastique, des myriades de nomades monades se reconnaissent, se caressent, et se célèbrent dans des rites ancestraux. /
C'est fait, da-sein a repris ses droits. /
Par une boucle dialogique et chronophobe, tu éclates ton identité dans une libération temporaire. /
Tu es là, fondu dans l'altérité première qui guide tes pas, cœur d'un monde qui s'étend en archipels solidaires, infinitésimalité passagère /
une explosion en suspension forge inlassablement les atomes de ton être, et le souffle se mêle au mot pour abolir la distance. /
Tu es là. Entité inviolable qui s'accroche aux symboles millénaires. / Le conte est toujours le même : le lien primordial s'empare de l'expérience esthétique et rentre en scène / la répétition inlassable d'une organicité créatrice. /
Quand enfin tu sors de toi et te regarde pour la première fois, tu peux abandonner sereinement les métempsychoses illusoires et incorporer alors le mouvement perpétuel / celui qui te relie au monde et qui, dans une maïeutique incessante, te révèle à toi même. /
Unique prophète, tu es là. /
Tu es là. Celui qui est /
Tu es là /
Tu est.
ANOSOGNOSIE (ode à celui qui ne sait pas)
Partant du sol, le squelette, os tenant à l'os tenant lui-même à l'os, ainsi devenant
Partant du squelette, la chair, belief propagation
Tendons, muscles, mortaises, réseau fluide rouge arborescent, couloirs opaques, couloirs grumeleux, alvéoles
Tout tenu, par la peau tenu, sur le sol, tenu
Fait par aucune main
Mais écorché de s'écorcher sans cesse pour se connaître, écorchant, connaissant, ce qui l'entoure, sans cesse
Voulant couvrir de son savoir toute la profondeur, la surface, créant, pour les couvrir, les autres dimensions
Alors qu'invisible, au centre
LE GRAND ONOMATOMANE
Estrade anhédonique dressée pour l'occasion
Tendue de velours bleu, de velours rouge, blanc,
Un pupître prcieux soutient un amplicon :
Le public surplombé perd son entendement
Il entre : digne, martial, protecteur. Fardé.
Aussitôt apparu il est ovationné
Tous debout ! Stylopodes, érotomanes,
Crassulescents vieillards de l'onomatomane
D'une main invisible il arrête le bruit
Le silence, hélicoïdal, soutient ses mots
Longues phrases versées dedans la stéréo
Tandis que, lof pour lof, le public s'est assis
« Marasmius oreades, gobleto gobleto golgi
Cuesta val perché gobleto madoc
Couvillencoul, coccolitophorides golgi »
Par le travers histrionique « gobleto lyoc »
Décompensation de masse, point sublime
Pour l'animal debout face à la foule assise
Puissance d'exister feignant l'eudémonisme
Qui surfe sur la vague des esprits sous empire
* * *
Celui qui cherche à connaître, esprit orodispersible
Esprit de celui qui, touchant matière, devient matière, brûle matière,
Celui doté de mains multiples
Démineur, pétrissant terre, pétrissant feu et fer
Celui, mains polyèdres pétrissant mon dodécaèdre
Pétrissant mon envers, all over
Traduction intralinguale de son désir thermodynamique
Il turbine ma mydriase, mon calice hétérorabdite
Cherche le point sublime
Il tape cul, hale bas, calfate, choque, file. Puis, ralentissant,
Ralentissant son gypse, son hélicoïdal, il me porte organique
Aux pulsions orgasmiques
Il attise mon filetage, électrise mon apoptose
Alors que savourant le nœud borhoméen,
Je le porte aux confins de notre galactose.
OLÉ